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Quels impacts de l’IA sur nos capacités cognitives ?

  • jeanpouly
  • il y a 12 minutes
  • 4 min de lecture

Homo Sapiens et Homo Faber sont des êtres vivants qui créent différentes orthèses ou prothèses pour se faciliter la vie. Et manifestement cela n’a pas amoindri ses facultés physiques ou intellectuelles. Mais il existe des liens de corrélation et de causalité dans l’utilisation régulière de ces orthèses /prothèses et un renforcement ou un affaiblissement de nos capacités physiques et intellectuelles. 

Or, la question posée dans cet article est un peu différente car utiliser l’IA ne signifie pas ne plus utiliser son cerveau mais l’utiliser différemment. 


Auteur : Igor Morski,
Auteur : Igor Morski,

✅  De quoi parle t-on ? Tentative de définition de l’intelligence 

Essayons déjà de définir l'intelligence. Ce mot vient du latin Inter legere qui est polysémique mais qui désigne une aptitude à relier des informations entre elles pour en tirer du sens et agir en conséquence. L'intelligence est une capacité cognitive qui permet à un individu de comprendre, d’apprendre, de raisonner, de résoudre des problèmes, de s’adapter à son environnement et d’interagir de manière efficace avec les autres. 

Et il existe aussi différentes « formes d’intelligence » même si elles sont contestées comme l’intelligence émotionnelle (capacité à comprendre et gérer ses émotions et celles des autres) ou l’intelligence kinesthésique, logico-mathématique, sociale, musicale, interpersonnelle, naturaliste, etc. 


➡️ Cette précision est très importante car l'IA actuelle ne rentre pas en concurrence avec toutes ces formes et encore moins avec la combinaison de toutes ces formes.


Enfin, il faut préciser à quoi nous sert l'intelligence avec des fonctions cognitives simples ou plus complexes, telles que la résolution de problèmes et la prise de décision, traditionnellement considérées comme des traits distinctifs de l'être humain.

Essayons désormais d'exposer de façon binaire les potentiels impacts d'une utilisation régulière de l'IA dans les différents "domaines" de l'intelligence. 


✅ Des outils qui par leur nature peuvent stimuler, augmenter, développer nos capacités cognitives par :


  • la stimulation des idées et de la créativité . L'IA nous donne des nouvelles idées (voir l'intervention JP Denis qui convoque Deleuze et Guattary sur la créativité qui remixe toujours autre chose, le renouvelle, comme le fait l’IA avec les données),

  • l'ouverture de perspectives nouvelles qui nous poussent à réfléchir, à comparer, à produire des idées, de nouveaux raisonnements, etc.

  • la capacité de comparaisons exponentielles avec une sorte "d’Internet en beaucoup plus puissant", plus structuré, plus hiérarchisé, plus accessible, plus stimulant,

  • la stimulation de notre esprit critique face à la, masse de désinformation et de deep-fake. 

  • l'aide pour prendre des décisions.


On peut donc émettre l’hypothèse que l’IA pourrait être un démultiplicateur, un hyper stimulateur de notre intelligence en l’amenant plus loin, en la challengeant, en l’entrainant et même en la renforçant.


⚠️ Des outils qui peuvent au contraire réduire, atrophier, abîmer nos capacités cognitives par :


  • l'abandon partiel du processus réflexif : avec les IA génératives on pose la question et on lit la réponse mais on ne contribue plus à la construction. En ratant cette étape clé, ne risque t-on pas de ne plus "assimiler" les choses ?

  • une délégation de certaines fonctions importantes du cerveau aux machines > notion de délestage cognitif d’Umberto León Domínguez de l'université de Monterrey (directeur du Human Cognition and Brain Studies Lab et chercheur au sein de l'Artificial Intelligence Group,

  • un risque d’atrophie de certaines zones du cerveau avec des pertes de capacités : prise de décision, orientation, déduction, apprentissage d’une langue, etc.

  • un risque d’amnésie numérique amplifiée par l’usage régulier de prothèses digitales. C’est le chemin qui compte, par la mémorisation > Effet Google prouvé depuis longtemps.

  • une dépendance totale dans notre fonctionnement : ne plus se passer de cette nouvelle prothèse réflexive donc une perte d’autonomie. Puis-je faire sans ? 

  • un biais d’autorité de la machine qui risque de faire baisser notre esprit critique  ou au contraire de l’exagérer ?

  • un risques d’enfermement dans des biais de l’IA qui trompent le cerveau : le paramétrage des IA génératives tend à lisser les résultats, qui sont par ailleurs peu créatifs dans la mesure où ils se contentent d'agréger l'existant. S'ensuit un risque d'enfermement dans une boucle de confirmation où nous ne sommes exposés qu'à des informations qui confirment nos opinions préexistantes.

  • un risque de mécanisation des esprits et d’imitation de machines : nous sommes comme des buvards et nous risquons "d’adopter" les mécanismes de l’IA.

  • l'installation d’une paresse intellectuelle,

  • une situation qui ne propose plus de vide, d’ennui et de silence qui sont, paraît-il des conditions sine qua non de la créativité !

  • une forte augmentation de la sédentarité qui impacte notre bon fonctionnement cérébral. Une heure d’écran = une heure assis comme nous l'explique le Dr Yannick Guillodo

  • Enfin, un risque de désocialisation avec encore plus temps passé à dialoguer avec des machines et non des humains. 


⭐️ Pistes de solutions


  • acquérir les fondamentaux sans technologies comme le propose Cédric Villani : « il faut commencer par une formation traditionnelle, à l'écart de toute technologie avancée, pour que les fondamentaux soient acquis. »

  • appliquer une prudence voir un principe de précaution en gardant d’autres fonctionnements cognitifs en parallèle : lecture de livre, débat, théâtre, apprentissages par coeur, jeux, mots croisés et exercice régulier d'autres formes d’intelligences (kinesthésiques, auditives, visuelles, logicomathématiques, stratégiques),

  • rester attentifs aux nouvelles innovations sur le terrain de l’augmentation de nos capacités  neuronales (Neuralink, Meta, ). Exemple avec la stimulation magnétique transcrânienne (TMS). On retrouve ici la dualité entre bio-conservatisme / transhumanisme.

  • devenir "intelligent" comme les IA générative c’est à dire lire et connecter les choses entre elles !!

  • se former à l’IA, les comprendre, les dénicher et les choisir.


 En conclusion

Il est très difficile de prédire les véritables impacts de l'usage massif de l'IA sur les capacités cognitives mais nous pouvons au moins avoir trois certitudes :


  • il y a déjà et il y aura demain des impacts profonds,

  • nous pouvons actionner deux leviers pour répondre à ce défi : l'éco-conception des IA et des usages maitrisés. 

  • il serait dangereux de ne pas s'intéresser sérieusement à cette question. 


➡️ Cet article est issu d'un groupe de réflexion sur les enjeux éthiques de l'IA que j'anime dans la région lyonnaise depuis quelques mois. Si vous êtes intéressés pour venir réflechir et débattre avec nous de ces questions, contactez-moi. 

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