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jeanpouly

Les rumeurs sont-elles amplifiées sur Internet et par Internet ?


C’est en tout cas une question récurrente qui se pose presque de manière consubstantielle au réseau des réseau qui est de plus en plus mis en cause dans son rapport à la vérité et plus précisément dans son rôle de propagation d’informations peu ou pas fiables, ce qu’on appelle des… rumeurs. Selon une récente étude Opinion Way, Internet est d’ailleurs perçu comme un vecteur plus propice à la rumeur que les autres médias. Un tiers des Français pensent qu’il y a plus de rumeurs qu’avant avec Internet et surtout, trois quart d’entre eux pensent que les faits sont déformés par Internet. Cette question est très intéressante car Internet étant devenu le média des médias, il est après tout assez logique qu’il soit à la fois une sorte de champs de bataille entre vérités et mensonges (pour autant que ces notions aient une valeur absolue) et surtout un canal contemporain très puissant de propagation des rumeurs.

Qu’est-ce qu’une rumeur et pourquoi Internet serait propice aux rumeurs ?


La rumeur est sans doute le plus vieux média du monde. Le mot rumeur vient du latin “rumor” qui signifie “bruit vague, bruit qui court, nouvelle sans certitude garantie ». Dans cette définition étymologique plusieurs choses me frappent : le mouvement, le bruit et l’incertitude. Une rumeur se propage, se répand, elle est en mouvement rapide, elle fait du bruit, donc on l’entend et on ne sait pas trop si c’est vrai ou faux. Et Internet a sans doute plusieurs caractéristiques qui peuvent accentuer ces attributs :  c’est le média des médias, un méta-média, donc il diffuse les rumeurs de plusieurs médias, il est de dimension mondiale, il diffuse très rapidement et massivement des informations et surtout il stocke pour très longtemps les informations. Il devient donc possible à chacun de faire des recoupements, des enquêtes, bref, de jouer au détective ou au journaliste en herbe et donc de diffuser ou transformer des informations qui peuvent devenir des rumeurs. Ces caractéristiques jouent sans doute un rôle dans l’impression qu’Internet est à l’origine des rumeurs et qu’il les amplifie.

Comment expliquer que les internautes se méfient autant d’Internet et de ses rumeurs et que dans le même temps ils l’utilisent massivement pour vérifier l’information ?

C’est effectivement un des paradoxes dans l’utilisation d’Internet. Pour le professeur de sociologie Gérald Bronner, auteur de “La Démocratie des crédules”, nous sommes totalement noyés par la massification de l’information mais paradoxalement nous utilisons Internet comme moyen de conformation de l’information car, selon lui, il est toujours possible de trouver une source qui confortera nos préjugés. Selon Gérald Bonner, il est très difficile de changer l’opinion de ce qu’il appelle un « croyant ». Si quelqu’un est convaincu que les américains ont fait exploser les tours jumelles le 11 septembre 2001, il est assez facile de trouver un ensemble d’informations, de photos, de vidéos et de témoignages pour étayer un raisonnement, même spécieux, qui crédibilise cette hypothèse auprès de ceux qui sont prêts mentalement à recevoir cette pseudo-vérité.

Par ailleurs, les mass média ayant souvent relayé des rumeurs et de fausses informations provenant du plus haut sommet de l’Etat (souvenons nous du mensonge organisé  sur les armes de destructions massives en Irak), le public prête désormais une oreille plus attentive aux informations alternatives, décalées et plus généralement aux informations chocs et croustillantes. Pour illustrer cette difficulté à démontrer la vérité Gérald Bronner s’appuie sur un exemple très éloquent : « Je peux prouver qu’il existe des chevaux, mais je ne peux pas prouver qu’il n’existe pas de licornes ».

Cette hypothèse permettrait d’expliquer la prolifération actuelle d’un ensemble de rumeurs, de théories complotistes et autres élucubrations. En copiant-collant des extraits de textes, de déclarations, de vidéos, en étant habile dans le montage et avec un peu de talent oratoire, n’importe qui peut asséner sa vérité sur Internet, qui, si elle est relayée massivement deviendra au bout de la chaîne, une vérité. Ensuite, il est très difficile de démonter une rumeur. Comme on dit, la rumeur est tenace car les gens pensent qu’il n’y a pas de fumée sans feu.

Une nouvelle fois, nous avons ici un exemple d’une dérive possible de la formidable démocratisation des outils d’expression, pour le meilleur et pour le pire car on le sait, une rumeur peut faire des ravages, dans la vie privée de quelqu’un, au niveau d’une marque, d’une entreprise ou même d’une démocratie.

Comment lutter contre la rumeur ?


Il existe heureusement et depuis assez longtemps, des sites spécialisés sur les rumeurs. On connaît assez bien en France le site hoaxbuster. Il suffit d’aller vérifier une information sur ces sites pour faire un premier tri entre ce que j’appellerai les rumeurs grossières, (les hoaxs, en anglais) et ce qui est plus discutable. Et puis, on peut tout simplement utiliser des plateformes collaboratives comme Wikipédia, qui ont l’intérêt de produire de l’information collectivement, ce qui assure une certaine fiabilité de l’information.

A noter une site intéressant à Lyon, le Guichet du savoir, qui permet de poser une question à un documentaliste professionnel de la bibliothèque municipale qui répond à n’importe quelle question (ou presque) dans les 48h par écrit et de façon documenté. C’est une certaine garantie de la neutralité et de la fiabilité de l’information.

Enfin, des outils de fact-checking sont en train de voir le jour comme Trooclick, cette jeune start-up lyonnaise qui vient d’entrer dans un grand incubateur parisien et qui mettra très bientôt à disposition des outils de vérification de l’information très puissants.

Quelles sont les limites de ce combat contre la rumeur ?

Je pense qu’on ne peut pas vraiment lutter contre la propagation des rumeurs, surtout avec l’explosion des médias sociaux, de l’hyper-connectivité et la démocratisation des outils d’expression. Au mieux, il me semble important de se former un esprit critique, d’adopter une rigueur intellectuelle dans l’analyse de l’information, de suivre une méthode et non ses préjugés et de ne pas croire à tout ce qui circule. Il est important d’adopter d’avoir un certain recul, d’aiguiser son sens critique et sa curiosité pour vérifier l’information qui nous intéresse.

Et puis, d’une façon plus générale, je pense aussi que la rumeur est profondément humaine et qu’elle a sans doute une fonction sociale importante. La rumeur permet de faire parler, d’argumenter, de réfléchir, de réagir, de critiquer, de se moquer, de croire, bref, elle fait fonctionner le cerveau, affute l’esprit critique et elle crée du lien social.

C’est sans doute ce qu’on appelle « un mal nécessaire », une sorte de conte-pouvoir aux canaux officiels de la vérité qui permet à l’ensemble du système médiatique de tenir et à la vérité de se faire jour.

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