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jeanpouly

La neutralité d’Internet est-elle en danger ?


Le parlement européen s’est récemment prononcé sur cette question stratégique pour l’avenir du réseau Internet après de nombreuses tergiversations tant ce sujet est explosif. Car aujourd’hui, les équipements techniques qui forment le réseau Internet rendent possible une gestion discriminatoire du trafic Internet ce qui provoque de très vifs débats politiques pour déterminer si le principe fondateur de neutralité du réseau Internet doit être garanti par la législation ou si des exceptions peuvent exister. Ce qui se joue actuellement est de savoir si l’on va ouvrir la boîte de pandore et prendre le risque d’un bouleversement profond du modèle de économique, de développement  et d’innovation d’Internet. 

Qu’est-ce que la neutralité d’Internet ?

 Pour bien comprendre de quoi il s’agit, il faut remonter aux origines du réseau Internet qui associe un réseau physique, les infrastructures de télécommunication comme le réseau téléphonique, la fibre optique ou les antennes relais à un réseau logique constitué des différents standards et protocoles qui permettent à des milliers de réseaux et des milliards de terminaux de communiquer entre eux à travers le monde (via les fameuses adresses IP comme Internet Protocol ou les noms de domaines, .fr, .com ou .lyon). Si les réseaux d’infrastructures sont ou ont pu être par le passé des monopoles d’Etat, le réseau logique d’Internet celui qui régit son organisation n’est la priorité de personne. Ce réseau est cogéré par une institution internationale, l’ICANN qui assurent la gouvernance d’Internet et l’évolution de ses différents protocoles de manière collégiale et neutre, même si cette association est historiquement basée aux Etats-Unis.

Pourquoi la neutralité du réseau est importante ?


tim berners lee monitoring internet

Tim Berners Lee – Un des inventeurs d’Internet


L’inventeur du Net, l’américain Tim Berners Lee explique que la neutralité de l’Internet permet la gestion d’Internet comme un bien commun, une sorte de bien public universel. Cette gestion commune garantit selon lui son bon développement et favorise l’innovation de ses services. N’importe quel petit génie de l’informatique peut développer le Facebook de demain dans son garage en utilisant le réseau sur un pied d’égalité avec les plus acteurs de l’Internet. Ce qui a d’ailleurs permis l’émergence des plus grandes innovations du web. En fait, cette neutralité garantit l’égalité de traitement de tous les flux de données sur Internet. Ce principe exclu ainsi toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise sur le réseau. Chacun est donc traité de façon égale. Cela se traduit par le fait que les flux d’information ne sont ni bloqués, ni dégradés, ni favorisés par les opérateurs de télécommunications, permettant ainsi aux utilisateurs d’utiliser librement l’architecture communicationnelle d’Internet. Benjamin Bayart, un des pionniers de l’Internet en France résume assez bien les quatre principes essentiels de cette neutralité du net : transmission des données par les opérateurs sans en examiner le contenu; sans prise en compte de la source ou de la destination des données; sans privilégier un protocole de communication et sans altérer ou bloquer le contenu.

Pourquoi et par qui cette neutralité est-elle menacée ?


Les Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI), les Orange, Free, SFR ou Bouygues Telecom en France qui gèrent l’accès au réseau se plaignent depuis longtemps de supporter seuls les lourds investissements nécessaires à la maintenance et à l’évolution des infrastructures du réseau Internet comme en ce moment dans la fibre optique ou dans les technologies mobiles de 4ème génération. Et ce, sans percevoir les bénéfices de ces investissements alors que les fournisseurs de contenus (les Google, Facebook, Youtube ou Netflix) eux, s’enrichissent grassement en utilisant « gratuitement » le réseau. Les fournisseurs d’accès à Internet mais aussi certains grosses majors de production de contenus culturels aimeraient pouvoir donner des priorités à certains contenus et à certains clients. Il s’agirait de proposer des offres qui garantissent un certain débit de façon permanente pour ceux qui en paierait le prix. Ceci permettrait par exemple de garantir un très bon débit pour les plateformes de vidéos payantes au détriment du streaming en peer to peer, pour parler clairement du streaming illégal.

Quelles conséquences si Internet n’était plus neutre ?

Cette décision serait très lourde de conséquences. En fait, si on commence à légiférer sur des exceptions, le risque est de créer des précédents et de généraliser un certain contrôle de l’Internet et surtout, à terme, de mettre en place un Internet  à plusieurs vitesses et de différentes qualité. Ce qui a fait le succès d’Internet depuis son invention c’est justement son égalité d’accès, son architecture décentralisée et sa très grande liberté d’utilisation. Si on laisse se mettre en place des droits de priorité, les opérateurs du réseau peuvent très bien commencer à organiser la rareté ou la qualité d’accès pour favoriser un service plutôt qu’un autre, une innovation plutôt qu’une autre et on risque à terme des logiques de monopole, de cartels et à la fin une sclérose du réseau.

Comment conserver ce principe ?


Je pense qu’il faut accepter certains ajustements car une possibilité de contrôle n’est pas totalement infondée pour des cas très précis, par exemple pour faire face aux cyber-attaques et pour prévenir des fortes congestions du trafic. Mais la vrai point clé qui risque de faire éclater ce principe fondateur est l’issue du bras de fer entre opérateurs du réseau et les producteurs de services et de contenus. En janvier la justice américaine a donné raison à l’opérateur Verizon qui demandait de prioriser le trafic Internet pour garantir la qualité de service à ses abonnés et cette décision a ouvert une brèche pour faire payer les Youtube ou Netflix que les opérateurs accusent de squatter gratuitement le réseau. Il faut savoir qu’en soirée le service de streaming Netflix, qui va sans doute bientôt arriver en France représente près de 50% du trafic Internet aux Etats-Unis en soirée. Le problème est que ces mastodontes des contenus ont les moyens de payer cette priorisation que de toutes façons ils répercuteront sur leurs prix ou par de la publicité. Ce sont tous les petits acteurs qui seront relégués en seconde division de l’Internet. Des associations comme la Quadrature du Net militent depuis des années pour le maintien de la neutralité du réseau et se font entendre. Mais il semble difficile de lutter très longtemps contre les mastodontes du réseau qui, s’ils gagnent leurs bras de fer risquent de prendre le pouvoir sur les réseaux mais aussi, à terme, de tuer la poule aux oeufs d’or.

Il reste donc une autre voie, celle de la législation, soit au niveau national, ce qui avait été annoncé par le gouvernement français mais qui est repoussé au second semestre de cette année, soit au niveau européen. A suivre, donc

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